Comment ne rien manger pendant 6 jours m’a redonné la pêche. Par DORA MOUTOT sur Konbini.com

 

Comment ne rien manger pendant 6 jours m’a redonné la pêche

Certains en chantent les louanges, d’autres le rejettent en bloc… J’ai décidé de pratiquer le jeûne pendant six jours afin de me faire mon propre avis. C’est parti pour six jours sans aucune nourriture !

« Ah mais non, mais moi je ne pourrai jamais ! » : voici la réaction angoissée de la plupart des gens lorsque je raconte que je n’ai pas mangé pendant six jours. Six jours sans rien, pas un grain de riz, juste des liquides : eau, tisane, bouillon, moins de 200 calories par jour. Et ça, de mon plein gré, personne ne m’y a forcé. Je vous entends d’ici :« OK la meuf est complètement maso. »  Vous avez sans doute l’impression que je vous parle de l’expérience physique la plus hardcore de ma vie, vous imaginez peut-être une âme en peine prête à tuer père et mère pour la moindre miette, ou vous pensez certainement qu’au bout du sixième jour j’ai dû commencer à saisir le sens du mot « famine » tellement mon ventre me torturait. Vous ne pourriez pas avoir plus tort.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’ai pas eu faim et c’est une gourmande, qui aime se resservir trois fois plutôt qu’une, qui vous parle. J’y ai même pris du plaisir. J’ai découvert en ne mangeant pas durant six jours que le corps humain, notamment le mien, mais le vôtre aussi, semble bien mieux adapté à la carence en nourriture qu’il ne l’est à l’excès.

Dans un monde où le consumérisme est poussé à l’extrême, où l’on a peur du manque et où l’on cultive le mantra « si je ne mange pas, je risque de mourir », le jeûne pose une véritable question de santé : moins peut-il être plus?

Le jeûne, une pratique qui commence à se populariser

La pratique du jeûne commence à se répandre en France grâce à des associations comme la Fédération française de jeûne et randonnée (FFJR) mais aussi grâce à sa vulgarisation scientifique. Le documentaire à succès Le Jeûne, une nouvelle thérapie de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, diffusé sur Arte en 2012, n’y est pas pour rien. Le jeûne aurait, selon plusieurs études, de véritable bénéfices pour la santé, mais aussi, tout simplement, pour maintenir son capital vitalité et rester en bonne santé ; par prévention, pour justement ne jamais se retrouver terriblement malade.

Le corps médical français, qui malheureusement reçoit lors de ses études une formation relativement archaïque en nutrition, reste sceptique et a tendance à rejeter cette pratique « alternative » à mi-chemin entre santé et spiritualité, pourtant ancestrale, comme le prouve de nombreuses religions, que ce soit le christianisme avec le Carême, l’islam avec le Ramadan ou le judaïsme avec Yom Kippour, etc. Cette pratique que certains imaginent comme « mystique » ne l’est pas.

En Allemagne, le jeûne est populaire : 20 % des Allemands déclarent jeûner. Certains hôpitaux y consacrent des étages entiers et des cliniques privées comme la très réputée Buchinger, installée à Überlingen, dans le Sud-Ouest du pays, sont mondialement reconnues pour leurs cures, qui vont peuvent proposer jusqu’à trois semaines d’abstinence de nourriture. Les jeûnes sont carrément remboursés par certaines mutuelles allemandes car recommandées en cas d’arthrite, de diabète de type 2, de maladies respiratoires et digestives, de migraines et d’allergies. Le jeûne aiderait également à mieux supporter le traitement par chimiothérapie en cas de cancer.

C’est en 2008 que Valter Longo, un gérontologue, professeur de biologie à l’université de Californie du Sud, fait une découverte importante. Le Dr Longo injecta des doses de produits utilisés en chimiothérapie sur des souris cancéreuses, puis les sépara en deux groupes. Il fit jeûner l’un des groupe de souris et alimenta l’autre normalement. Au bout de quelques jours, les souris nourries furent retrouvées mortes tandis que les souris qui jeûnaient étaient toujours en vie.

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Ce qui m’a poussée à franchir le cap

Mais qu’est ce qui m’a poussée à jeûner, moi ? Je ne suis pas en phase terminale d’une maladie, je ne suis pas une « illuminée à moitié hippie » et je ne corresponds pas au cliché de l’Allemande avec des poils sous les bras. Non, au-delà d’être la rédactrice en chef adjointe de Konbini, totalement digital addict, je suis aussi, du haut de mes 29 ans, quelqu’un qui depuis des années n’arrive pas à faire caca et qui s’est amusée à le clamer dans les colonnes du Huffington post. J’ai un ventre qui ne fait rien de normal et j’ai testé tout ce qui est possible et imaginable, passant d’une situation ridicule à une autre dans l’espoir d’y remédier.

Par curiosité et désespoir, je me suis demandé « et que se passerait-il si je ne mangeais plus ? », avec comme doux rêve de me débarrasser de cette foutue digestion un petit moment, de m’offrir pour la première fois de ma vie, en vingt-neuf ans, un vrai repos digestif. D’autres questions se sont bousculées dans ma tête : « Vais-je crever de faim ? Vais-je avoir envie de buter quelqu’un, sachant que je deviens  agressive dès que j’ai faim ? » Et puis cette envie de prendre du recul par rapport à ma consommation, le ras-le-bol de m’empiffrer et le désir d’essayer de rentrer en contact avec mon corps par d’autres moyens que l’alimentation.

J’ai donc pris la décision de faire un jeûne encadré de six jours au Pays basque avec Yoga-jeûne, un centre tenu par un couple : Isabelle et Christophe. Leur site m’inspirait confiance mais avant de booker le séjour, j’ai quand même eu Isabelle, 42 ans, professeur de yoga et surfeuse, au téléphone. Elle m’explique alors qu’elle pratique le jeûne depuis ses 11 ans, et que son beau-père, yogi, l’a éduquée ainsi, elle n’est donc pas tombée de la dernière pluie.

Une semaine avant le début du jeûne, elle m’envoie un programme de « descente alimentaire« . Je vais devoir supprimer peu à peu des aliments – les protéines, le sucre, etc. – pour ne pas choquer mon organisme. Quelques jours avant le jeûne, je ne me nourris plus que de fruits et de légumes, ce n’est pas évident pour quelqu’un qui adore les paquets de gâteaux comme moi. OK, j’ai craqué pour un Kinder Bueno entre deux asperges et une aubergine. Vendredi, comme recommandé, je bois une bouteille entière de jus de pruneau en moins d’une heure. Aussi constipée que je puisse être, je me vide.

Le samedi est le jour du grand départ, je bois des tisanes et de l’eau. Je me prépare psychologiquement à ne pas manger pendant une semaine, je ne suis pas angoissée. À vrai dire, j’ai hâte de découvrir les sensations, je vais prendre ce qui m’arrive comme ça vient.  Je prends le train, cinq heures après j’arrive à Urt, dans le gîte où je vais passer six jours le ventre vide. Je ne suis pas la seule à être là, je fais la rencontre de 10 autres personnes venues vivre la même expérience.

Chacun a ses raisons pour venir jeûner

Pour certains, c’est la première fois, comme pour moi. C’est le cas de Corinne, 45 ans, qui est institutrice dans les Landes, venue parce qu’elle « ressent le besoin de ‘détoxifier’ son corps et de perdre quelques kilos » et qui y a été poussée par sa sœur. Cette dernière lui a vendu les bienfaits du jeûne après avoir été soulagée de son arthrite par ce biais.

C’est aussi la première fois pour un couple atypique et très mignon, Stéphanie, 50 ans, et Cyril son compagnon qui n’a que 26 ans. Cyril est là par curiosité, il aime vivre des expériences, l’idée de ne pas manger pendant plusieurs jours l’amuse et le questionne ; Stéphanie, qui est très à cheval sur son alimentation bio et sans gluten, est venue sans attente particulière : « Très ouverte à la découverte”, elle considère ce jeûne comme « un cadeau qu’elle s’offre pour ses 50 ans », une façon de remettre le compteur à zéro.

Nous sommes une minorité de novices, les sept autres personnes n’en sont pas à leur premier jeûne. Il semblerait que quand on jeûne une fois, on a tendance à y revenir.

Marie-Françoise et Yves, qui sont en couple et ont tous les deux 57 ans, en sont à leur cinquième jeûne en quinze ans. Ils ont intégré le jeûne comme une hygiène de vie, « un passage nécessaire au fait de bien vieillir », m’explique Yves, qui est architecte. Marie-Françoise, qui est masseuse et a fait un burn-out il y a quelques années, me dit que c’est en partie grâce aux jeûnes qu’elle a réussi à retrouver son énergie vitale.

C’est aussi le cinquième jeûne de Youbna, 48 ans, qui travaille dans l’aide au développement et voyage beaucoup en Afrique, ce qui lui a valu d’attraper le paludisme. Son foie ayant été très fragilisé, elle s’est tournée vers le jeûne dans l’espoir de se soigner, ce qui fut concluant. Depuis, elle renouvelle l’expérience tous les ans, ses motivations ont changé au fil des années, passant d’une quête médicale à une quête plus thérapeutique et spirituelle, le jeûne lui procurant « une distanciation dans le relationnel à l’autre, une ouverture, une certaine philosophie de vie ».

Le reste du groupe en est à son deuxième jeûne. David, 46 ans, bosse dans l’immobilier. Selon lui « le jeûne est une bonne façon de se soucier de soi », il recommence car, pour lui, « on change toujours des choses après un jeûne, on ne peut pas repartir dans sa vie sans rien modifier ». Il vient donc se faire une piqûre de rappel, pour mieux redémarrer, pour manger plus sainement et faire moins d’excès.

Danielle, 52 ans, est contrôleuse aérienne à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. C’est à la suite d’une période de deuil, qu’elle a ressenti le besoin de « trouver une unité entre le corps et l’esprit ». Son premier jeûne lui ayant redonné une énergie « qui l’a scotchée » pendant six mois, elle a tout simplement eu envie de recommencer.

Quant à Dominique, 55 ans, super sportive, trente-cinq ans de yoga et de marche nordique derrière elle, elle avait le désir de « voir ce que ça faisait au mental de ne pas manger ». Elle y revient, car le jeûne lui a permis, entre autres, de battre son record de marche de dix minutes lors d’une compétition sportive.

Et puis il y a la douce Anne-Marie, avec qui je partage ma chambre, infirmière à la retraite, qui explique qu’avec du recul elle aurait préféré soigner les gens de manière plus naturelle que ce que les hôpitaux proposent. Elle s’est lancée dans l’expérience du jeûne il y a deux ans en se disant que « quelque chose allait peut-être en sortir » : « Un déclic, un truc dans mon comportement. J’essayais d’aller au bout de moi-même, de voir si j’en étais capable », dit-elle. L’impression d’avoir progressé mentalement, le sentiment d’avoir nettoyé son corps, ainsi que la fierté d’avoir réussi à tenir lui ont donné l’envie de recommencer, même si elle émet quelques doutes. « C’est assez violent quand même, est-ce si bon que ça ? »

Je découvre tous ces nouveaux personnages autour d’un bouillon de légumes sans fibres. Isabelle nous donne chacun un « racle-langue », dont les Indiens se servent dans la médecine ayurvédique. Quand on jeûne, un dépôt blanc et épais se dépose sur la langue et il faut la nettoyer. Trop sexy.

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@ Dora Moutot/Konbini

Le ventre vide, jour après jour

Je me couche tôt : à 21 h 30, je dors à poings fermés, ce qui ne m’arrive presque jamais. Lundi matin, je me lève tôt, il est 8 heures, je descends dans le grand salon cuisine, où Isabelle nous sert un petit verre de jus de pomme.

Christophe, le mari d’Isabelle, qui est de façon assez amusante un ancien chef pâtissier, nous donne ensuite un cours de yoga. Le yoga et la méditation sont des pratiques parfaitement adaptées au jeûne selon Christophe et Isabelle, qui sont d’ailleurs les premiers en France à avoir proposé cette combinaison. « Le yoga ou la méditation permettent d’observer notre état intérieur. On prend conscience qu’on a un désir de manger, mais qu’on n’a pas forcément faim. Si on est dans le contrôle, on va forcément finir par craquer, mais si on médite, on observe son désir et on le laisse passer », affirme Christophe.

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@ Dora Moutot/Konbini

Puis, vers 10 h 30, c’est l’heure de la randonnée. Environ trois heures de marche, que nous effectuerons tous les jours, avec plus ou moins de difficultés à travers la campagne du pays Basque, une bouteille d’eau à la main. Isabelle a toujours un pot de miel dans son sac à dos, au cas où l’un de nous se sentirait vraiment trop faible. Une cuillère et ça repart, mais aucun de nous n’en aura besoin durant le séjour.

L’après-midi est consacré aux massages, au repos, à la sieste ou la lecture, chacun fait ce qui lui chante. En fin d’après-midi, un cours de méditation, puis le bouillon. Le soir, une conférence sur des sujets divers portant sur l’alimentation ou la gestion du stress. Les jours se déroulent ainsi, calmement, dans un cadre magnifique, en plein cœur de la nature. Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion d’apprécier des choses simples.

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@ Dora Moutot/Konbini

Vu qu’il n’y a absolument aucune tentation de nourriture, je n’ai pas faim et j’en suis surprise. Je suis pourtant du genre à grignoter sans cesse. Mais c’est beaucoup plus évident que ce que l’on croit. Ce n’est pas dur physiquement parlant, c’est même facile, mon ventre est au calme. J’ai évidemment quelques fantasmes de chocolat, mais ce n’est pas la faim, c’est psychologique. C’est mon cerveau qui le réclame, et j’arrive à le calmer.

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@ Dora Moutot/Konbini

Et là, c’est la crise : toxines et odeurs !

Ce qui me gêne le plus, c’est qu’au bout du deuxième jour, j’ai terriblement froid. Mes extrémités sont glacées et je suis obligée de prendre trois bains chauds dans la journée. Ma bouillotte est devenue ma meilleure amie,  je la trimballe partout. Ma langue est comme prévue… immonde. Heureusement que j’ai un racle-langue. Je commence aussi à sentir plus fort que d’habitude. Quand j’enlève mon T-shirt, wow… mais, je schlingue !!! Pour couronner le tout, le troisième jour, mon nez devient totalement bouché et j’ai une migraine du feu de Dieu. Je ne peux pas aller faire la randonnée.

Ce n’est clairement pas le moment d’abandonner le jeûne. Isabelle me félicite même de mon état déplorable. C’est selon elle une bonne nouvelle. Mon corps serait en train de se « détoxifier ». Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis un peu sceptique, j’ai lu bon nombre d’articles qui racontent que la notion de « détox » ne serait qu’un mythe.

Hippocrate, médecin et philosophe grec, disait pourtant : « Quand le corps est chargé d’humeurs impures, faites-lui supporter la faim, elle assèche et purifie. » Le jeûne permettrait ce qu’on appelle « l’autolyse », ce qui en grec veut dire « perte de soi-même », c’est un processus d’autodigestion intracellulaire, une sorte d’autonettoyage de l’organisme, ce qui permettrait d’évacuer les toxines et de faire remonter les déchets via les sorties. Via la langue, la sueur, les urines, etc. D’où ma charmante odeur. On appelle aussi ce phénomène « crise d’acidose » ou « crise d’élimination ». Si l’on en croit la littérature qui a été écrite sur le sujet, le jeûne stimulerait les forces de régénération de l’organisme.

C’est donc le moment dans le jeûne où l’on se sent à plat, où l’on peut avoir des nausées, voir des vomissements. Le réflexe serait d’aller se chercher un petit cachet, et pourtant il s’agirait d’une erreur. L’idée ici, est de laisser sortir ce qui doit sortir, au lieu d’aller « assécher mon rhume et de le retenir » avec un Doliprane.

L’idée va à contre-courant de nos pratiques allopathiques, mais elle n’est pas absurde. Les animaux jeûnent quand ils sont malades : jamais vous ne ferez manger des croquettes à votre chat s’il couve quelque chose.

Si l’on utilise l’expression « il n’est pas dans son assiette » pour parler de quelqu’un de malade, ce n’est pas pour rien. Quant aux enfants, Isabelle dit : « Avant qu’ils soient pervertis et conditionnés par le fait qu’on leur disent quand ils sont malade qu »il faut manger pour avoir des forces’, observez et vous verrez qu’un enfant malade ne mange pas et dort. »

Très rapidement, et sans médicaments, je vais beaucoup mieux et, surprise !, j’ai une peau rayonnante. Mes cernes, qui sont presque devenues « historiques » à travers les années, se sont fait la malle. J’ai la pêche et ma crise d’acidose relève du passé, j’ai de moins en moins froid, mais je ne sens toujours pas la rose.

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Selfies avant le jeûne et après la crise d’acidose durant le jeûne.

Quatre, puis cinq jours, après le début du jeûne, je n’ai toujours pas faim. La plupart des membres du groupe ne semblent pas avoir faim non plus, sauf Stéphanie qui s’en plaint. La plupart des gens ont la pêche et traversent le jeûne sans trop de difficultés. Sauf, Corinne qui a des nausées les premiers jours et Cyril qui sera très fatigué toute la semaine.

Une autre histoire de la médecine?

En groupe, on parle énormément de nourriture, c’est notre sujet préféré. On parle de ce qu’on mangera, et surtout de ce qu’on changera. Moins de viande, moins de lait, adios le café, plus de fruits et de légumes. Le jeûne semble modifier pour beaucoup le rapport à la nourriture. On découvre qu’il n’y a pas d’angoisse à sauter un repas, voir deux. On se pose des questions sur le besoin de trois repas par jour. On se rend compte que si l’on mange autant, c’est par habitude et par convention sociale. On philosophe sur notre angoisse du « manque ». On a envie de se nourrir en « conscience » et de ne plus se « remplir ». Le jeûne invite à repenser notre vision de la santé, à repenser notre rapport au corps.

À travers le savoir de chacun, les livres qui sont à disposition, la conférence que donne Isabelle sur l’équilibre « acido-basique » ( l’idée que les maladies se développe sur un terrain de sang trop acide, théorie vivement critiquée) se dessine une autre histoire de la médecine. Je note de très nombreuses références, des ouvrages et des noms souvent controversés. Je découvre le mouvement de « l’hygiénisme », dont le Dr Shelton est le père, les théories du docteur Catherine Kousmine, la nutrition selon le docteur Seignalet, les vidéos de Thierry Casanovas sur YouTube…

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@ Dora Moutot/Konbini

Pour moi, le jeûne a ouvert une porte, un monde à explorer. Avec prudence évidemment, car il est possible de tomber dans les extrêmes et de sentir totalement perdu face à toutes les différentes théories qui existent autour de l’alimentation et de la santé. Les conseils sont à prendre avec parcimonie, Isabelle nous parle des « compatibilités alimentaires », l’idée que nous ne serions pas faits pour mélanger tous les aliments ensemble car ils font appels à des enzymes digestifs différents. Ça me semble vraiment trop dur à tenir et ça va trop loin pour moi. Elle nous conseille aussi de nous faire des jus à l’extracteur et d’essayer d’adopter une alimentation avec 70 % de légumes et de fruits. Toutes les informations sont intéressantes à écouter mais peut être pas à suivre dans sa vie. ll faut savoir picorer dans les informations qui nous sont données, le danger étant de tomber dans la culpabilité du « je ne fais jamais assez bien » et de se provoquer des angoisses.

« Je conseille de faire des petits changements pas à pas, l’importance c’est d’être avant tout en cohérence avec soi », rappelle Isabelle, toujours pleine de sagesse, qui s’inquiète des dérives que pourrait entraîner la pratique du jeûne si elle devenait une tendance à la mode mal maîtrisée. « Le jeûne risque d’être vendu et perçu comme la solution ultime. Ça pourrait être un piège dangereux pour les gens qui ont des fragilités psychologiques ou un rapport trop compliqué à l’alimentation. Le jeûne ne doit pas devenir un refuge. Pour moi, la maladie est plurifactorielle, ça serait trop simple de voir le jeûne comme l’ultime recours, ça serait simpliste. »

Et le caca dans tout ça ?

Peut-être êtes-vous curieux de savoir si on continue d’aller à la selle quand on jeûne ? Pour mon cas, oui. J’ai mis quatre jours à « tout faire descendre » avant d’être totalement vide, malgré avoir fait une irrigation du colon (le fait de se nettoyer le colon à l’eau pour faire descendre les matières) mais rappelez-vous que j’ai un problème. D’autres ont été vides bien plus rapidement que moi.

Reprise alimentaire et kilos en moins

Enfin, est arrivé le sixième et dernier jour du jeûne. Eh bien, figurez vous que je n’avais pas du tout hâte de remanger. Bien au contraire, j’aurais volontiers enchaîné sur une semaine de plus. J’ai eu la sensation de couper quelque chose qui, par intuition,  aurait dû continuer, comme si je savais que le boulot n’était pas terminé.

Vendredi matin, mon petit-déjeuner se compose d’un verre d’eau rempli de graines de lin avec un pruneau. J’avale les graines en un shot, c’est vraiment gluant, c’est censé aider à faire glisser le repas qui nous attend. Du calme, ne vous attendez pas à une entrecôte-frites ! Le repas de reprise du midi est une pomme cuite au four. Car oui , s’il faut une descente alimentaire, il faut désormais faire une remontée. Et celle-ci serait tout aussi importante que le jeûne car c’est au moment de la remontée que l’on commence à ressentir tous les bénéfices. Il va donc falloir être sage et peu à peu réintroduire les choses une à une dans son alimentation. « Tous les imbéciles savent jeûner, seuls les sages savent reprendre », nous dit Christophe en riant, et, effectivement, l’idée de foirer ma reprise me fait désormais bien plus peur que l’idée de jeûner dix jours de plus.

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@ Dora Moutot/Konbini

Après le repas, c’est l’heure des adieux. Aussitôt rentrée chez moi, évidemment, je saute sur ma balance… j’ai perdu 5,5 kilos. Trois semaines plus tard, j’ai repris 1,5 kilo, je ne mange plus de gluten et en ayant réintroduit un à un les aliments, j’ai pu m’apercevoir de quelques intolérances, notamment aux poires et aux pommes qui me provoquent des ballonnements.

Avec le recul, réalité ou placebo, qu’importe. Je pense que le jeûne est un formidable moyen de s’autoriser le repos. Le fait de se mettre dans cet état donne un prétexte pour véritablement se reposer, s’autoriser massages, séjours dans la nature, la vie en plein air et la sieste. Le fait de ne pas s’alimenter pousse à revenir aux choses simples et éloigne du besoin « d’excitants », qu’il s’agisse des sucres, de la cigarette, des réseaux sociaux, de l’addictions au clic. Bref, le jeûne donne un espace pour sortir du conditionnement de nos vies. Je récidiverai, c’est une évidence.

Quant au prix d’une semaine de jeûne, qui selon les centres va de 500 à 1 500 euros, certains diront avec mépris « mais payer pour t’affamer, c’est complètement débile”, ce à quoi je répondrai qu’effectivement l’expérience à un prix, mais qu’il est incroyablement plus facile de trouver un environnement propice au « goinfrage » qu’au jeûne et que, par conséquent, cette bulle de tranquillité se paye. Si le silence devient un luxe dans notre société, le fait de s’éloigner des tentations l’est aussi. À méditer…

Pour tenter l’expérience

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@ Dora Moutot/Konbini

L’association française de jeûne et randonnée propose plus de 700 stages par an, encadrés par une cinquantaine d’organisateurs labellisées. Pour ma part, j’ai choisi Yoga-jeûne, qui propose une quinzaine de stages dans l’année, au Pays basque mais aussi au Skri Lanka et au Maroc.

Attention ! Le jeûne n’est pas recommandé à tout le monde, notamment dans les cas d’anorexie. En France, les centres de jeûne ne sont pas habilités à recevoir des gens très malades. Les gens atteints de maladies graves qui souhaitent jeûner devraient se faire accompagner médicalement, l’Allemagne propose cette option. Il est possible de jeûner seul un jour ou deux, mais il est nécessaire de se faire encadrer pour tenter l’expérience sur une période plus longue. S’il est possible de jeûner jusqu’à trois semaines en étant médicalement accompagné (selon sa corpulence, etc.) et d’en tirer des bénéfices de santé, il est évident que l’alimentation est nécessaire à notre corps pour vivre et bien fonctionner.

 

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